La musicothérapie vue et pratiquée par un batteur professionnel
C’est prouvé scientifiquement : la musique soigne ! Du trouble anxieux aux difficultés relationnelles ou sociales, jusqu’aux maladies neurodégénératives, la musique est un véritable médicament. L’équipe de la SMACEM fait le point aux côtés de Franck M’Bouéké, art-thérapeute et batteur professionnel, qui utilise la musicothérapie pour accompagner ses patients et patientes.
Dans le cadre d’une prise en charge globale et pluridisciplinaire, la musicothérapie s’avère très utile dans bien des traitements :
- pour retarder les symptômes des personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives comme Alzheimer,
- pour la prise en charge des personnes autistes,
- pour l’accompagnement à la périnatalité pour favoriser le lien entre la mère et le fœtus,
- ou encore pour des adolescents en difficulté, des personnes en situation de handicap physique ou mental ou les personnes atteintes de troubles psychiatriques.
Batteur professionnel depuis près de 30 ans, Franck M’Bouéké tourne depuis des années avec des artistes de renom. De Jeanne Moreau à Etienne Daho, en passant par Lou Doillon, Kery James, ou encore Albin de la Simone, ses collaborations foisonnent ! De plus, depuis 2021, Franck est également art-thérapeute. Formé à l’Institut national d’expression de création et d’art thérapie (INECAT), il met sa passion au service du soin et des autres, en recourant notamment à la musicothérapie. Interrogé par l’équipe SMACEM, Franck nous en dit plus.
Concrètement, en quoi consiste la musicothérapie selon vous ?
De façon globale, l’art-thérapie sert à accompagner des personnes en souffrance pour favoriser leur bien-être et « l’aller mieux » grâce à la création. Un accompagnement en musicothérapie peut être bénéfique pour tout le monde ! Par exemple, j’ai aussi bien travaillé auprès de gardiens de la paix souffrant d’addictions que d’enfants atteints de troubles autistiques.
A titre personnel, en musicothérapie, j’utilise deux grandes techniques [la technique « active » qui amène le ou la patiente à produire de la musique ou des sons et la technique « réceptive » qui invite le ou la patiente à écouter de la musique ou des sons pour ouvrir sur une discussion NDLR*].
Par exemple, la séance que je pratique avec les personnes souffrant d’addictions se compose en deux temps. D’abord, je les invite à créer avec une leaf audio qui est un instrument expérimental en bois, puis cette création est diffusée afin de créer une ambiance enveloppante pour le reste de la séance.
Quels sont les objectifs de la musicothérapie ?
Les objectifs sont multiples : l’apaisement, la reconnexion à son corps, la renarcissisation, la reconnexion sociale aussi. En résumé, on va vers un « aller mieux ». C’est très variable d’un patient à l’autre. Parce que tout le monde ne sera pas impacté de la même manière par l’art thérapie.
Comment se déroule une séance de musicothérapie ?
Il existe autant de musicothérapeutes que de patients et patientes. Et, donc, il existe autant de séances de musicothérapie. Parfois cela passe par le jeu, parfois par l’écoute, d’autres fois on utilise des instruments mélodiques ou rythmiques.
Pour ma part, je commence mes séances auprès des personnes suivies en service d’addictologie par un temps de « retour à soi » afin de faire en sorte qu’elles soient dans de bonnes conditions d’écoute pour elles-mêmes. Parce qu’on ne peut pas faire quelque chose sans être là. Je rappelle aussi le cadre et la confidentialité de la séance.
Ensuite, la création réalisée par le groupe est diffusée pour le reste de la séance qui s’oriente vers les arts plastiques et l’écriture. Cela permet de créer une ambiance enveloppante, sans aller vers un état de conscience modifiée mais quelque chose qui berce.
Chaque séance doit être adaptée aux patients et patientes. On parle de la « théorie du poil » comme le dit Jean-Pierre Klein, figure de l’art-thérapie. Chaque séance doit être adaptée et réajustée au poil selon les besoins, la personnalité, la réceptivité de la personne à un moment précis.
Bientôt un forfait de remboursement de la musicothérapie à la SMACEM
La SMACEM, soucieuse d’accompagner au mieux ses adhérents et adhérentes, prendra, en partie, en charge à partir du 1er janvier 2025 les séances de musicothérapie dans le cadre de son forfait « Médecines douces ». Aux médecines déjà remboursées, seront ajoutées la musicothérapie et la psychomotricité ainsi qu’une séance supplémentaire prise en charge. La SMACEM prendra ainsi en charge 30€ par séance (jusqu’à cinq séances par an) par bénéficiaire.
Que constatez-vous durant vos ateliers ?
En utilisant la leaf audio, et sans avoir de talent particulier en musique, le groupe crée une oeuvre commune qui permet non seulement de créer du lien entre les participants et les participantes mais aussi de leur montrer qu’ils et elles sont capables de produire quelque chose.
Cette séance n’est qu’un exemple de musicothérapie. Lorsque je travaille avec les enfants autistes, je n’utilise pas la leaf audio. Je prends plutôt des percussions, plus simples d’utilisation, qui permettent aux enfants, même non-verbaux, de communiquer entre eux.
Quels sont les bienfaits de la musicothérapie ?
Je peux vous donner par exemple le cas d’un petit garçon. Il a entre 8 et 10 ans. Ce petit garçon ne parle pas. Il sourit tout le temps et ne parle pas. On peut lui répondre, on peut lui poser des questions, il ne répondra pas. Pourtant, je connais le son de sa voix par cœur parce que dès qu’on chante une comptine, il connait absolument toutes les paroles. Il chante extrêmement juste, complètement en rythme. C’est via les comptines qu’on communique avec lui en fait.
Souvent, les gens font un peu leur propre musicothérapie ! Si vous avez le blues et que vous n’allez pas très bien, étonnamment vous allez mettre le morceau de musique qui va vous rappeler tel moment en vacances, telle ambiance, telle sensation […] C’est déjà se faire du bien avec la musique. Alors c’est sûr ce n’est pas très actif, mais on a quand même été acteur dans la mesure où on a mis ce morceau de musique, on s’est conditionné.
La musicothérapie, un soin qui remonterait à l’antiquité !
Selon la Société française de musicothérapie (SFM), les prémisses de la musicothérapie remonteraient au temps des Grecs, où certains utilisaient la musique pour influencer les humeurs. Plus tard, dans les années 1950, la musique était utilisée pour tenter de soulager les traumatismes de la guerre. C’est en 1954 que Jacques Jost, ingénieur du son, s’appuie sur une étude clinique pour suggérer que la musique peut servir à soigner les personnes. Il faudra attendre les années 1970 pour qu’un premier centre de formation émerge en France. Aujourd’hui, et après de nombreuses études, les bienfaits de la musique dans le cadre d’une thérapie ont été démontrés. La musicothérapie est maintenant largement intégrée dans des parcours de soin pluridisciplinaires.
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